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Extrait du Carnet de route de Jean Labatut



9 heures. - Avons laissé* Toulouse derrière nous. Tout va bien (pour l'instant). Soleil d'or. Ciel d'azur. Paysage babal: prairies, vignes, maïs. Approchons de Montauban,* pays de la pêche et du raisin!

Henriettte Caminade (l'Artiste) se penche avec indiscrétion sur ce que j'écris et me signale que Montauban est la partie du peintre Ingres. (Léon Delpech avait compris Pintringre et il a demandé à Mme Vernéjou qui était ce Pintringre? Tout le monde éclate de rire). M. Vernéjou nous explique que Jean-Auguste-Dominique Ingres est un très grand peintre français. (Le plus grand! affirme Flambuscat.) Il a peint des tablleaux historiques, des tas de portraits remarquables. Delpech vexé, veut montrer ses connaissances et il précise que Ingres était aussi un violoniste. Oui, dit M. Vernéjou, on prétend qu'il était plus fier de son talent au violon * que de sa peinture. D'où l'expression violon d'Ingres* (L'exemple: Le violon d'Ingres de Ferdinand c'est la canne à pêche).

Autre célébrité de Montauban: le sculpteur Bourdelle. (Le plus grand sculpteur français! précise Flambuscat).

9 heures 15. - Le calme règne à bord. Nous sommes huit dans ce compartiment. Tricoire, Ferdinand Berthomieu et François Cantaloup sont dans le compartiment voisin. Ils doivent causer de géographie!* J'ai oublié de signaler que Tricoireet Ferdinand ont bien failli rester* sur le quai.

Tricoire nous a raconté qu'un jeune homme pressé les a sauvagement bousculés. Si Ferdinand ne l'avait pas retenu, Tricoire n'aurait fait qu'une bouchée de l'impertinent.* Tous cela les a retardés. Heureusement, M. Vernéjou les a applés. Tricoire nous a dit qu'il avait pris le jeune homme par une oreille et qu'il l'avait secoué en lui criant: "On voit que vous n'avez pas l'habitude de voyager, Môssieur!''

9 heures 20. - Flambuscat signale discrètement à M. Vernéjou qu'il serait peut-être temps de déballer les casse-croûte.* M. Vernéjou propose de se livrer à cette importante opération entre Montauban et Cahors.*

 

 

* Avons laissé =nous avons laissé – здесь и дальше местоимение опущено, телеграфный стиль

* Montauban – Монтобан, город на юге Франции

* de son talent au violon– своей игрой на скрипке

* violon d'Ingres– скрипка Энгра, слабость увлечение знаменитого человека

* Ils doivent causer de géographie!– Должно быть они разговаривают о географии!

* ont bien failli rester – чуть было не остались

* Tricoire n'aurait fait qu'une bouchée de l'impertinent.– Трикуар сделал бы из нахала котлету

* il serait peut-être temps de déballer les casse-croûte – что, пожалуй, пора развернуть пакеты с едой

* Cahors– Кагор, город на юге Франции. Правильное произношение Каор

 

 

J'ai visité le compartiment voisin. Rien de particulier à signaler. Tricoire occupe un confortable coin-fenêtre face à l'avant.* Cantaloup est assis à côté de lui. Le Géographe occupe le coin opposé. Il a pour voisin un monsieur chauve et correct, avec une couronne de cheuveux blancs autour de son crâne rose, des lunettes aux verres épais, et une cravate lavallière.* On dirait un professeur.* Il doit être très myope.

Comme j'apparaissais sur le seuil de la porte, Tricoire m'a demandé d'une voix de tonnerre:

– Alors, gamin, ça roule?*

– Ça roule! Ai-je repondu.

– Tous les présents sont là? A t-il ajouté spirituellement. Alors, continuons. Droit sur Paris!

Puis, il s'est remis à fredonner Manon ce qui a fait sursauter une dame âgée qui somnolait sur la banquette opposée.

9 heures 35. - Nous entrons en gare de Montauban. Fort belle gare. L'employé annonce: "Cinq minutes d'arrêt-buffet!" Nous nous précipitons dans le couloir pour admirer les massifs de zinnias et de cannas. Toujours le soleil d'or. Quelques voyageurs descendent. Il en monte beaucoup moins qu'on ne pouvait craindre.* Tout va bien.

Le monsieur a lavallière qui était assis tout à l'heure à côté de Ferdinand le Géographe, s'éloigne vers la sortie. Il marche à petite pas tranquilles en balançant sa valise. Une valise jeune toute neuve, dans le genre de celle de Ferdinand. Il a dû l'acheter à Toulouse, lui aussi.*

Flambuscat rappelle à M. Vernéjou qu'il ne faut pas vivre pour manger, mais qu'il faut manger pour vivre. Manger et boire, précise Tricoire qui se plaint toujours de la chaleur.

Coup de sifflet. On claque les dernières portières. Le train s'ébranle. En route pour Cahors, patrie de Clément Marot * et de Léon Gambetta.*

 

***

Nous devons interrompre ici la lecture passionnant du Carnet de route de Jean Labatut, dit Petit-Beurre. Peut-être y reviendrons-nous, et ce sera avec plaisir.

Et remarquez que dans ces quelques premières lignes du Carnet du Président, l'extraordinaire aventure des équipiers de la Berlurette avait déjà commencé ...

 

* un confortable coin-fenêtre face à l'avant– удобное место у окна по ходу поезда

* une cravate lavallière– галстук бабочкой

* On dirait un professeur – Его можно принять за профессора

* Alors, gamin, ça roule?– Ну, как, приятель, едем?

* qu'on ne pouvait craindre – чем можно было опасаться

* Il a dû l'acheter à Toulouse, lui aussi. – Должно быть он тоже купил его в Тулузе

* Clément Marot– французский поэт XVI в.

* Léon Gambetta – французский политический деятель второй половины XIX в.

 

Seulement, pour la clarté de cette très véridique histoire, il est nécessaire de revenir un peu en arrière et de raconter un certain dialogue qui se déroula dans le compartiment occupé par l'aubergiste, Ferdinand le Géographe et François Cantaloup.

Ceci se passait avant d'arriver à Montauban.

Le monsieur chauve à cravate lavallière lisait son journal. Le Géographe était plongé dans l'étude minutieuse d'une carte de la France-Sud.

 

François Cantaloup essayait de se répéter* sur un plan du Métropolitain que lui avait prêté Fredinand. Les autres voyageurs, une dame âgée, un couple et une petite fille, lisaient, regardaient le paysage. Le silence régnait. Cela pesait un peu à Tricoire * qui finit par s'agiter et soupira:

– Ah! La la! Il fait moins frais ici que sur les bords de la Berlurette!

Le monsieur chauve abandonnait son journal, regarda l'aubergiste par-dessus ses lunettes. Le nom de la Berlurette devait l'intriguer.

– Vous connaissez la Berlurette? Lui demanda Tricoire, histoire de lier conversation.*

– Heu ... Comment dites-vous? La Berlu ...?

– Rette! compléta Ferdinand d'un ton sec. C'est un affluent de la Garonne. (Ferdinand devait penser: * En voilà un ignorant!)

– La Berlurette? Tiens, tiens ... murmura le monsieur chauve. Non, je ne la connais pas.

Tricoire secoua la tête.

– Vous habitez loin d'ici, sans doute?

– Dans les environs de Montauban.

– Curieux!* remarqua Tricoire. Vous ne devez pas vous intéresser beaucoup à la géographie.

– A la géographie? Heu ... Pas beaucoup.

– C'est une rivière exceptionnelle, reprit l'aubergiste. Poisonneuse en diable!*

– Poisonneuse, vraiment?

– Et quand je dis poisonneuse ... S'il y avait un mot plus fort, je l'emploierais. Des poissons, nous en avons trop! C'est simple. Vous venez un de ces matins, vous vous approchez du bord avec la moindre canne à pêche. En quelques minutes, votre panier est plein. Les goujons se jettent littéralement sur vous.

 

 

* se répéterзд. разобраться

* Cela pesait un peu à Tricoire – это немного угнетало Трикуара

* histoire de lier conversation – чтобы завести разговор

* devait penser – должно быть подумал

* Curieux!– Интересно!

* Poisonneuse en diable!– Чертовски богата рыбой!

 

 

Et pourtant c'est un poisson de premier ordre.* Une finesse, une fraîcheur! ...Tenez, moi, je tiens un café et je peux vous affirmer que mes clients sont dégoûtés de la friture.* Seulement, trop c'est trop.

– Nous ne mangeons pas que du poisson, fit observer Ferdinand * avec délicatesse.

– Curieux! Très curieux! Dit le monsieur au crâne rose. Ce doit être une jolie rivière avec de la verdure. ...

– De la verdure! s'écria Tricoire. Ne m'en parlez pas!* Une magnifique verdure!

– Et sans doute, beaucoup d'insectes?

L'aubergiste s'indigna.

– Des insectes! Vous plaisantez! Il n'y a pas un moustique chez nous, pas un seul!

– Pas un moustique? Tout de même, vous en avez bien quelques'uns. Au bord de l'eau, c'est normal. Le Culex pipiens ou l'Aedes fasciata?*

– Quoi?

– Je parle des moustiques ordinaires. Je ne parle pas de l'anophèle qui transmet le paludisme. ...

– Le paludisme!

Le visage de Tricoire commença à rougir. Qu'est-ce que c'était que cet étranger qui insultait la Berlurette! Ferdinand, lui, avait pâli. Il était furieux. D'après ce personnage, * on risquait d' attraper les fièvres sur les bords de la Berlurette.

– Des moustiques, nous n'en avons pas! Rugit Tricoire. Ni votre anophèle, ni un autre.

– Très peu en tout cas, précisa François Cantaloup qui se souvenait qu'il avait été picoté par un moustique pendant qu'il gardait les vaches au bord de l'eau.

Tricoire et Ferdinand le foudroyèrent d'un double regard.* Ce Cantaloup les trahissait!

– Bien, bien ! Poursuivit le monsieur à lavalière tranquillement. Mais, à part les moustiques, vous avez autre chose?

– Rien du tout! affirma Tricoire duvenu violet. Ni puces, ni punaises! Villeneuve est un pays propre.

– Je ne parle pas de ça, dit le monsieur. Je parle des insectes en générale.

 

 

* mes clients sont dégoûtés de la friture– моим клиентам надоела жареная рыба

* un poisson de premier ordre – первосортная рыба

* Nous ne mangeons pas que du poisson, fit observer Ferdinand – мы едим не только рыбу, заметил Фердинанд

* Ne m'en parlez pas!разг. Не поверите!

* Le Culex pipiens ou l'Aedes fasciata? – латинские названия насекомых

* D'après ce personnage – по мнению этого человека

* le foudroyèrent d'un double regard – пронзили его оба уничтожающим взглядом

 

 

Je ne veux pas offenser votre pays. Vous avez bien quelques hannetons. Et vous devez connaître les carabus?*

– Les carabes? demanda François.

– Oui. Et le lucane qui est très commun.

– Oui, oui répondit Ferdinand. Nous avons aussi les bêtes à bon Dieu.*

– La Subcoccinella vigintiquattuor punctata.

– Et aussi des charançons, ajouta François. Et quelques doryphores.

– Leptinotarsa decemlineata.

– Qu'est-ce que c'est que ces noms bizarres? grogna Tricoire.

– Ce sont les noms latins, dit le monsieur. C'est pour se faire mieux compredre.*

– Je vois dit l'aubergiste un peu calmé, vous aimez plaisanter.

– Non, non, je ne plaisante pas. Mais avec le nom latin, on ne risque pas de se tromper.

– Evidemment, dit Tricoire peu convaincu.

– D'une région à l'autre, les noms peuvent changer.

Quand je corresponds avec un confrère étranger, j'emploie toujours le nom latin. Le nom latin ne change pas. Vous saisissez?

– Parfaitement, dit Tricoire. Monsieur est peut-être dans les insectes?* (Tricoire disait: dans les insectes, comme il aurait dit: dans les vins ou dans les fourrages).

– Dans les insectes, en effet. Je m'intéresse aux insectes. J'ai une petite collection.

Ferdinand hocha la tête avec satisfaction. Le monsieur au crâne rose lui devenait sympathique. En somme, c'était un de ses confrères. Fredinand s'intéressait à la géographie et à l'hidrographie. Ce monsieur se passionnait pour les insectes. Chacun ses goûts, chacun ses possibilités.* Entre savants on doit s'estimer et se comprendre.

Au fait, se dit le Géographe si je poussais Cantaloup à s'intéresser aux insectes?* Nous n'avons pas de ... comment cela s'appelle un chercheur qui étudie les insectes? Un ... entomo ... ah oui, un entomologiste. Nous n'avons pas d'entomologiste dans l'équipe. Pour la Géographie, j'y suffirai bien tout seul ...

Tricoire continuait à converser avec le monsieur chauve.

– Alors, comme ça, vous chassez l'insecte? Vous avez un filet à papillons et une boîte?

– Cela m'arrive.

 

* les carabus – латинская форма французского слова carabe - жужелица

* les bêtes à bon Dieu – божьи коровки

* se faire mieux compredre– чтобы сделать свои слова более понятными

* Monsieur est peut-être dans les insectes? – Господин может быть занимается насекомыми?

* Chacun ses goûts, chacun ses possibilités – У каждого свой вкус, у каждого свои возможности

* si je poussais Cantaloup à s'intéresser aux insectes? – не натолкнуть ли мне Канталу на изучение насекомых?

 

– Et que faites-vous de ces insectes?

– Je les étudie, je les classe. J'écris à quelques confrères en France et à l'étranger. Nous échangeons nos expériences.*

– Je vois, je vois. Moi, je suis dans l'hôtellerie,* dans la limonade, comme nous disons entre nous. Je vais justement à Paris chez Barbassou. C'est un chef!

– Un chef?

– Oui, un grand cuisinier. Vous ne connaissez pas Barbassou?

– Non, je m'excuse ...

– Nous nous écrivons, nous aussi, de temps en temps. Seuleument au lieu de causer de moustiques, nous parlons de sauces, de cassoulet, de rôtis ... Si vous venez à Villeneuve-sur-Berlurette, n'hésitez pas. Descendez chez moi.*

– Ce sera avec plaisir, répondit le monsieur chauve.

A ce moment, des voyageurs chargés de bagages s'assemblèrent dans le couloir. Ils se préparaient à la descente. Puis, divers équipiers de la Berlurette se montrèrent. Ils regardaient au dehors.

– Nous approchons de Montauban, dit Ferdinand. Nous allons voir le Tarn.* Hé, il est pittoresque à cet endroit.

– On voyait les toits roses de la capitale du Tarn-et-Garonne.* Les deux géographes s'excusant avc politesse, sortirent du compartiment et rejoignirent leurs camarades pour saluer la patrie d'Ingres et de Bourdelle.*

Tricoire continuait à vanter les mérites* de Villeneuve au monsieur à lavallère. Il s'interrompit.

– Ma parole, nous sommes déja à Montauban!

Le train ralentissait. Après une secousse , il s'immobilisa devant la gare fleurie.

– Montauban! Sursauta le collectionneur d'insectes. C'est qu'il faut que je descende!*

– Eh! ne vous affolez pas!* Vous avez le temps.

L'entomologiste rajusta ses lunettes, fourra son journal dans une poche, saisit rapidement sa valise, puis saluant Tricoire et l'assistance, se dirigea vers la sortie.

 

* Nous échangeons nos expériences. – Мы обмениваемся опытом.

* je suis dans l'hôtellerie– я содержу трактир

* Descendez chez moi.– Остановитесь у меня.

* le Tarn – Тарн, река на юге Франции

* le Tarn-et-Garonne – департамент на юге Франции

* Bourdelle – Бурдель, французский скульптор

* vanter les mérites – расхваливать

* C'est qu'il faut que je descende! – Дело в том, что мне нужно выходить.

* ne vous affolez pas! – не волнуйтесь!

 

 

Quelques instants plus tard, un personnage de haute taille le remplaça dans le compartiment. Il s'adressa à Tricoire sur le seuil du compartiment et lui demanda avec un fort accent:

– De la place y a t-il?

– Hé, mon bon, il y en a une, je crois, répondit aimablement l'aubergiste. Si vous arrivez à y tenir!*

Le géant roux se glissa dans le compartiment. La dame âgée et la petite fille le considéraient avec stupeur. Tricoire s'adressa au nouveau voyageur:

– Attendez, je vais vous aider ...

Il descendit la valise de Ferdinand, et vint au secours de l'arrivant. Ce dernier se trouvait fort encombré par une lourde valise, un énorme sac à dos et une boîte couverte de taches multicolores.

La grosse valise prit place dans le filet et l'on hissa la valise de Ferdinand par-dessus.

– Asseyez-vous là en face! Nous vous inquiétez pas. J'ai deux gamins avec moi, mais ils vont et ils viennent ... Je parie que vous n'êtes pas d'ici.

Le géant roux secoua la tête négativement.*

– Je suis Danois ... Danois ... Danemark ...

– Le Danemark? Je connais bien sûr, je connais ...

– Moi, je fais la peinture, ajouta le voyageur avec un sourire éclatant.

– Ah! Ah! Je comprends ... Ingres ... Picasso ...

– Oui, oui. Vous aimez la peinture?

– C'est selon.* La peinture vous comprenez, c'est comme le cassoulet. S'il est bon, on en reprend!*

 







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